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Institut des Hautes Études pour les Pratiques et les Arts de Transformation

Enquêter sur les pratiques et les arts de transformation : milieux, ethos, transmissions

Les communautés humaines sont des communautés dont le métabolisme est simultanément culturel, social, écologique, biologique, chimique et physique. C'est pourquoi la préservation de l’habitabilité de nos milieux de vie repose sur notre aptitude à instituer des organisations dont les imaginaires et les pratiques assument les exigences et les obligations résultant de l’interdépendance entre les mondes humains, les autres systèmes vivants et les éléments qui forment les cycles biogéochimiques planétaires.

Comment remettre la santé commune des personnes et des milieux dont elles dépendent au coeur de nos manières de faire société ? Incarner cette intention et la poursuivre avec détermination ouvre la voie à des transformations culturelles profondes.

"L'humanité en tant que matière vivante, est connectée de manière inséparable avec les flux matériels et énergétiques d'une enveloppe spécifique de la Terre - la biosphère".
Vladimir I.Vernadsky, « The biosphere and the noosphere »

L'IHEPAT fait l’hypothèse que ce processus de métamorphose et de recomposition du monde commun est en cours et qu'il passe par l’émergence de pratiques transformatrices issues de démarches collectives et participatives, vécues par petits groupes et en situation, qui mettent en interaction et réinventent des praxis d’origines et de domaines très divers : pratiques artisanales, culinaires, jardinières, rituelles, agricoles, artistiques, spirituelles, poétiques, oniriques, commerciales, éducatives, somatiques, festives, thérapeutiques, militantes, politiques, humanitaires… mais tout autant, scientifiques, juridiques, organisationnelles, institutionnelles, relationnelles, graphiques, administratives, logistiques…ou encore performatives, subversives, révolutionnaires...

"La joie, a écrit Spinoza, est ce qui traduit une augmentation de la puissance d'agir, c'est-à-dire aussi de penser et d'imaginer, et elle a quelque chose à voir avec un savoir, mais un savoir qui n'est pas d'ordre théorique, parce qu'il ne désigne pas d'abord un objet, mais le mode d'existence même de celui qui en devient capable."
Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes, 2009

Par la variation des registres, des modes d’attention ou encore des façons d’impliquer des entités autres qu'humaines dans les processus de décision, de représentation ou de connaissance, les pratiques de transformation avec lesquelles s'engage l'Institut sont intrinsèquement exploratoires. Elles permettent d'accepter l’incertitude radicale d’un monde en mutation, en créant des formes inspirantes et accessibles pour redonner à chacun l’envie et le pouvoir d’agir, et en amplifiant, par le partage d’expériences, les capacités évolutives au sein des collectifs. Elles élargissent ainsi les sensibilités et nourrissent les compétences nécessaires pour préserver des milieux de vie habitables.

"L'intention principale du Travail qui Relie est d'aider les gens à découvrir et à expérimenter leurs liens innés les uns avec les autres en même temps qu'avec les puissances systémiques d'auto-guérison du tissu de la vie, afin qu'ils puissent être éveillés et motivés pour jouer le rôle qui leur revient dans la création d'une civilisation durable."
Joanna Macy

L'IHEPAT conduit une recherche-action en lien avec des initiatives micropolitiques territoriales pour: 

  • Élaborer un référentiel et conceptualiser un langage commun des pratiques transformatrices
  • Produire des archives (documentation, entretiens) et un rapport d’enquête portant sur les pratiques transformatrices et les arts qui les animent
  • Mettre à l’épreuve des modalités d’évaluation des pratiques transformatrices
  • Permettre à des personnes et à des groupes hétérogènes de se reconnaître pour partager des expériences en créant des zones de contact entre des milieux très différents favorables à l’émergence de pratiques transformatrices
  • Développer le champ des humanités transformatrices qui mobilisent les arts, le design, l'anthropologie et l'ethnologie, l'histoire, la géographie, la philosophie, la psychologie, la politique, etc. pour interroger depuis de multiples perspectives les exigences et les milieux nécessaires à la création et la diffusion des pratiques transformatrices.

A travers des conversations avec les praticiennes et praticiens, des enquêtes sur les milieux, des analyses de pratiques, des expérimentations participatives, ce programme de recherche permettra d'approfondir les questions suivantes :

 

  • Quelles sont les ressources humaines et matérielles nécessaires pour conduire des pratiques transformatrices, et comment les mobiliser? 
  • Quelles sont les modalités de transcription et de transmission de ces pratiques ? 
  • Comment constituer un public et accompagner une volonté de transformation dans une organisation ? Et comment initier une pratique à l’échelle d’un territoire ?
  • Comment inscrire les transformations induites dans un temps long? Comment prendre soin des suites et des conséquences transformatrices des pratiques? 
  • Comment restaurer des milieux de pratiques dégradés ? 
  • Comment les pratiques transformatrices peuvent-elles contribuer à l'émergence de nouvelles formes de représentation ou de prise de décision collective ? 
Présentation sur les pratiques, les arts et les milieux de transformation - Institut de Physique du Globe de Paris - novembre 2022

Le site de l'IHEPAT présentera une documentation accessible afin de permettre aux praticiens et praticiennes ainsi qu'aux milieux de pratiques d’entrer en relation. Nous constituerons progressivement à cet effet une archive d'entretiens et mettrons en ligne des partitions de pratiques ainsi que des récits d'expérimentations.

"Les lieux infinis sont des lieux pionniers qui explorent et expérimentent des processus collectifs pour habiter le monde et construire des communs. Des lieux ouverts, possibles, non-finis, qui instaurent des espaces de liberté où se cherchent des alternatives.”
Encore Heureux, Note d’intention pour le Pavillon Français de la Biennale d’architecture à Venise

Pour conduire ses recherches, l'IHEPAT travaille en partenariat avec divers milieux de pratiques.

Nous appelons milieu une écologie de pratiques qui co-produisent leurs conditions d’existence. Un milieu est ainsi à la fois le résultat et la condition de toutes les pratiques qui l'ont composé ou le composeront. Il peut être abondant, diversifié, ouvert ou dégradé. Une pratique peut produire des effets différents en changeant de milieu, ou bien se trouver "empêchée" dans un milieu hostile. Des qualités propres à un milieu donné peuvent être des pré-requis pour certaines pratiques.